Manuel Wiesner, l’annonce de la fin du paiement en espèces dans vos restaurants vous a valu des critiques dans les médias. Cela vous a-t-il surpris?
Etant toujours les premiers sur la brèche, nous avons l’habitude de nous retrouver sous le feu des critiques, c’est le jeu. Dans cette situation, ce sont nos clients qui nous importent. Ils paient déjà presque uniquement sans espèces et y sont habitués.
Qu’est-ce qui vous a poussé à abandonner le paiement en espèces?
Moins de 5% des paiements se font encore avec du liquide, et les charges administratives qu’ils entraînent sont disproportionnées. Le paiement cashless est bien plus rapide et laisse plus de temps à nos collaborateurs pour se consacrer aux clients. C’est aussi un risque de moins pour les gérants, qui n’ont plus besoin de se rendre au distributeur automatique avec le chiffre d’affaires du jour en poche pour le déposer.
Quelles économies mensuelles cela vous permet-il de réaliser?
C’est difficile à chiffrer en francs. Grâce à nos exigences élevées en matière de numérique et d’IA, nous avons en revanche pu programmer nous-mêmes un logiciel qui nous fait gagner beaucoup de temps. Ces gains de temps, nous pouvons les consacrer aux entretiens avec les collaborateurs, aux assurances qualité et à de nouveaux projets.
De votre point de vue, est-ce que l’usage d’espèces est coûteux?
Beaucoup trop. Nos concurrents se plaignent des commissions sur les cartes de crédit, mais ils oublient les énormes coûts de procédure cachés des espèces, qui sont plus élevés.
Comment réagissent les clients quand ils découvrent qu’ils ne pourront pas payer avec de l’argent liquide comme ils le désirent?
En moyenne, nos clients ont entre 25 et 40 ans, et sont coutumiers d’un mode de vie urbain. Ils ont tous une carte de crédit ou Twint, c’est parfaitement normal pour eux. C’est pour ça qu’ils paient déjà presque tous sans espèces. En cas d’urgence, ils peuvent aussi remplir une demande de facture numérique, avec vérification par SMS.
Comment faites-vous en cas de problèmes de connexion ou d’Internet? Est-ce qu’on peut faire noter sur l’ardoise?
Là aussi, nous avons tout prévu. Nous proposons quatre modes de paiement avec leur technologie respective. Outre le terminal physique, on peut aussi utiliser un code QR pour consulter sa facture et payer immédiatement. Ça fait gagner du temps au client puisqu’il n’a plus à attendre sa facture. Nous avons aussi un back-up basé sur une boutique en ligne qui fonctionne avec un autre acquéreur de cartes de crédit. Enfin, nous avons notre système de facture numérique.
«Votre majoration automatique pour le paiement des pourboires des serveurs ne fait pas l'unanimité. Que pouvez-vous nous en dire?»
Les clients peuvent depuis toujours décider eux-mêmes du montant du pourboire au moment de payer. Par souci d’équité, une partie en est systématiquement reversée en cuisine. Par ailleurs, des études ont montré que 95% de la clientèle des restaurants donnaient un pourboire. Le plus souvent, les clients se basent sur le montant de la facture et non sur le mode de paiement. Nous fonctionnons déjà pratiquement sans espèces, et nous n’avons pas constaté de différences notables. C’est ce que nous disent également nos collaborateurs.
Pensez-vous que les espèces soient en voie de disparition? Comment vous positionnez-vous personnellement à leur égard?
Selon le type de clients, les espèces peuvent être pertinentes. Depuis début 2020, je n’utilise plus de porte-monnaie: je paye uniquement avec mon portable. Si l’envie m’en prend, je peux m’acheter sans problème un fromage dans une fromagerie d’alpage lors d’une randonnée sans argent liquide. Ça montre bien que l’économie s’adapte aux besoins des clients.